arrow-circle arrow-down-basicarrow-down arrow-left-small arrow-left arrow-right-small arrow-right arrow-up arrow closefacebooklinkedinsearch twittervideo-icon

Un Guide Pour Les Villes: Prévenir la Haine, L’extrémisme & Polarisation

Dernière mise à jour :
17/09/2023
Date de publication :
12/09/2023
Type de contenu :

1 2 3 4 5 6

Chapitre 2 – Stratégie

Ce chapitre examine la manière dont les villes peuvent développer ou étendre leur mandat en matière de prévention, puis analyse les différentes approches stratégiques qui peuvent être adoptées et institutionnalisées pour favoriser l’appropriation locale et la durabilité. Enfin, il aborde la question de la mobilisation des ressources, y compris les ressources humaines, financières et autres qui doivent être prises en compte par les collectivités locales, en reconnaissant les limites existantes, les autres priorités auxquelles les villes sont confrontées et l’efficacité potentielle ainsi que les avantages plus larges qu’il y a à s’appuyer sur des approches existantes.


Assurer un mandat

Pour de nombreuses villes, l’obtention d’un mandat de prévention (c’est-à-dire l’autorité, l’exigence et/ou la responsabilité fonctionnelle de s’engager dans ce travail) est le premier obstacle. Cela peut sembler évident, mais la force, l’étendue et l’opacité potentielle d’un tel mandat auront des implications réelles sur ce qu’une ville peut réellement faire.

L’obtention d’un mandat de la collectivité locale dépendra de la connaissance et de la compréhension des défis et de la volonté politique de s’attaquer aux menaces de haine, d’extrémisme et de polarisation qui se manifestent dans la ville. Il peut s’agir d’un engagement à donner la priorité à la prévention parallèlement aux priorités plus traditionnelles des collectivités locales (ou dans le cadre de celles-ci), par exemple celles liées à la tranquillité publique, à la prévention de la violence et au bien-être social.

Pour obtenir un mandat, il faut également que les autorités nationales et locales reconnaissent que les villes ont un rôle à jouer dans une approche englobante de la société pour faire face à ces menaces, et qu’elles disposent de l’espace politique et juridique nécessaire pour assumer ce rôle. Cela peut généralement nécessiter un minimum de coopération entre les parties prenantes nationales et locales (coopération nationale-locale) dans un contexte particulier. La CNL sera abordée dans le Chapitre 4.

Le mandat dont dispose une ville peut prendre différentes formes et ses contours dépendront des cadres juridiques et de gouvernance existants, du degré de décentralisation et de la priorité accordée à la prévention par rapport à la menace perçue, pour ne citer que quelques-unes des variables. threat, to name just some of the variables.

Vous trouverez ci-dessous des exemples de la manière dont le mandat des collectivités locales en matière de prévention se présente dans différents pays : 

  • Au Bangladesh les villes sont mandatées par le gouvernement central pour participer à la gouvernance locale et à l’engagement des citoyens par la formation d’un comité de coordination au niveau de la ville (TLCC), d’un comité de coordination au niveau du quartier (WLCC) et par la formation obligatoire d’un comité de genre présidé par une conseillère municipale. Ces structures sont ensuite chargées d’impliquer activement les citoyens en élaborant un carnet de notes, en organisant des réunions municipales régulières et en mettant en place une cellule de plainte et une cellule de communication globale. Ces structures contribuent à l’élaboration d’un plan de développement de la ville comprenant un plan d’action sur l’égalité de genre et la pauvreté.
  • En France, les collectivités locales n’ont pas de mandat légal pour s’impliquer dans la prévention de la violence motivée par la haine ou l’extrémisme, mais elles ont un mandat de prévention de la délinquancen et ont le droit de développer leurs propres politiques en matière de prévention de la  haine et de l’extrémisme.
  • En Indonésie, le plan d’action national de P/ CVE encourage les collectivités locales à s’impliquer dans la lutte contre l’extrémisme violent et leur demande de rendre compte au gouvernement national, deux fois par an, des initiatives qu’elles déploient pour mettre en œuvre le plan national. 
  • En Irak, le gouvernement central a donné aux districts un mandat clair pour développer des approches de prévention dans le cadre de leurs initiatives pour permettre la mise en œuvre de la stratégie nationale ; sept districts ont jusqu’à présent développé des plans localisés en coordination avec le Comité national de  lutte contre l’extrémisme violent Comité national de lutte contre l’extrémisme violent.
  • Au Kenya, les gouvernements des comtés sont tenus d’élaborer des plans d’action de comté définissant les approches et les activités menées par les autorités locales conformément à la stratégie  nationale de lutte contre l’extrémisme violent et en coordination avec le Centre national de lutte contre le terrorisme.
  • En Malaisie, bien qu’il n’y ait pas de mandat explicite pour les villes en matière de prévention de la haine et de l’extrémisme, les villes remplissent une fonction de sécurité publique avec une ligne budgétaire associée et une CNL en continu qui permet d’envisager la contribution potentielle des collectivités locales au travail de prévention de la haine et de l’extrémisme.
  • La stratégie nationale en matière de P/CVE de la Macédoine du Nord mentionne le rôle que les collectivités locales peuvent jouer dans la mise en œuvre et le gouvernement central implique directement les municipalités sur ce point.
  • En Norvège, toutes les villes ont été chargées d’élaborer des plans locaux pour soutenir la mise en œuvre du Plan  d’action national contre la radicalisation  et l’extrémisme violent, mais ont été encouragées pour ce faire à s’appuyer sur les cadres et structures locaux existants en matière de prévention de la délinquance.
  • En Pologne, bien qu’il n’existe pas de cadre national de prévention, la ville de Dąbrowa  Górnicza, tirant parti de son mandat de sécurité publique, a mis en place une équipe locale, en coopération avec la société civile, pour lutter contre la radicalisation menant à la violence dans la ville.
  • En Serbie, à la suite de la fusillade dans une école, le ministère de l’autonomie l ocale a demandé à toutes les villes/ municipalités de former des conseils  locaux de sécurité, qui s’occuperaient spécifiquement de la prévention.
  • Au Royaume-Uni, dans le cadre de la stratégie nationale Prevent, certaines collectivités locales ont une obligation légale d’animer des comités locaux Channel axés sur des interventions individuelles auprès de personnes considérées « à risque », ainsi que des obligations plus larges de développer ou de soutenir des initiatives de prévention à l’échelle de la communauté.

Questions et considérations clés

  • La ville a-t-elle un mandat explicite pour contribuer à une approche englobante de la société visant à lutter contre la haine, l’extrémisme et la polarisation ? D’où vient ce mandat, par exemple d’un cadre ou d’une législation nationale, d’une résolution ou d’une décision du conseil municipal ?
  • La ville est-elle habilitée à le faire dans le cadre d’un mandat plus large et existant lié, par exemple, à la tranquillité publique, à la prévention de la violence ou de la délinquance ou au bien-être social ? 
  • La ville a-t-elle la possibilité d’adopter son propre mandat, par exemple sur la base d’une décision du conseil municipal ? Il ne s’agit pas nécessairement d’une action unilatérale prise en l’absence de toute autre option, mais d’une action visant à renforcer ou à assurer un certain degré d’appropriation locale parallèlement à un mandat existant accordé par le gouvernement national.
  • Le mandat s’applique-t-il uniquement à des menaces spécifiques, par exemple une forme unique de haine ou d’extrémisme, ou est-il plus large et inclut toutes les formes ou au moins différentes formes de menaces ?

Sensibilisation

Il existe un certain nombre d’autres considérations au-delà de l’« octroi » formel du mandat lui-même. L’un des défis fréquemment cités, même s’il semble simple, est de s’assurer que les équipes municipales et les services locaux concernés sont au courant du mandat. De nombreux fonctionnaires locaux consultés pour ce Guide ont exprimé leur frustration lorsqu’il existe une stratégie nationale qui reconnaît ou définit un rôle pour les collectivités locales, mais que cette stratégie n’a pas été partagée avec les villes, et qu’elle n’a pas bénéficié de leur contribution.

Par exemple, l’Ouganda a développé une stratégie P/CVE nationale, mais les villes ont  souligné lors d’un atelier Strong Cities en avril 2023 qu’elles n’étaient pas au courant de son existence parce qu’elle n’avait pas été rendue public ni partagée avec elles, et que les villes n’avaient pas été invitées à faire part de leurs perspectives et de leurs besoins locaux au moment de son élaboration. Cela a entraîné une certaine confusion quant au mandat des villes et un manque de structures, de capacités, de compétences et de ressources pour pouvoir mettre en œuvre la stratégie au niveau local.

Le partage des cadres nationaux pertinents avec les villes est ainsi une condition préalable à l’implication significative et durable des collectivités locales dans une approche englobante de la prévention de la haine et de l’extrémisme dans leur pays. Pour leur part, les collectivités locales doivent veiller à ce que la connaissance de ces cadres ne se limite pas à une ou deux personnes dans la ville, mais qu’elle soit bien intégrée dans les différents services et parmi les responsables politiques de la ville. 

Est-ce suffisant ?

Ensuite, les villes doivent se demander si le mandat dont elles disposent est suffisant. S’agit-il uniquement d’alerter les agences de sécurité en cas de problème ou d’incident immédiat ou comprend-il également un mandat pour intervenir plus tôt et développer des programmes et des activités de prévention au niveau de la communauté ? De même, si la ville joue un rôle en matière de tranquillité publique, quelle est l’étendue de ce rôle ? Se limite-t-il à des considérations pratiques de sécurité, telles que la protection des lieux de rassemblement public et d’autres cibles « faciles », la sécurité routière et/ou l’installation de systèmes de vidéosurveillance ? Si c’est le cas, il faut encore faire comprendre que la sécurité publique va au-delà de l’infrastructure de sécurité physique et s’étend à des questions plus larges de cohésion sociale et de résilience. Si la ville dispose d’un mandat qui reconnaît cet aspect, couvre-t-il les trois niveaux de prévention communément acceptés (voir Prévention primaire, secondaire et tertiaire dans le Chapitre 2) ? S’attaque-t-elle à toutes les formes de haine et d’extrémisme ou se limite-t-elle à une menace ou à une idéologie spécifique ? Permet-il une approche partenariale et une collaboration avec la société civile, les communautés et le secteur privé ?


Développer un cadre stratégique

Toute ville doit tenir compte d’un certain nombre de considérations stratégiques avant de mettre en œuvre des programmes ou des initiatives de prévention au sein de ses communautés. Le fait que ces stratégies se traduisent par un document stratégique officiel explicitement associé à la prévention et à la réponse à la haine, à l’extrémisme et à la polarisation, par un autre cadre officiel (par exemple, lié à la tranquillité publique, à la prévention de la violence ou au bien- être social), ou qu’aucune stratégie publiée n’y soit liée, variera d’une ville à l’autre.

Certaines villes peuvent élaborer une nouvelle stratégie pour la première fois, tandis que d’autres peuvent chercher à mettre à jour, à améliorer ou à modifier une stratégie ou une approche existante. Quel qu’il soit, un cadre stratégique ne doit pas se contenter d’exposer les grandes lignes de ce qu’une ville s’engage à faire ; il doit en fin de compte servir de cadre conceptuel à la manière dont une ville choisit d’agir dans le domaine de la prévention. Les villes devraient examiner ce qui fonctionne le mieux en fonction des défis et des circonstances qui se présentent à elles, en reconnaissant que le cadre proposé devra être pratique et réalisable avec les ressources existantes et les services locaux.

Les responsables locaux et les parties prenantes devront également être conscients de la nécessité, dans de nombreux cas, d’obtenir l’approbation d’un maire, d’un conseil ou d’un autre organe politique pour leur stratégie de prévention. Il convient donc de garder à l’esprit le message politique qui pourrait être envoyé en adoptant une approche particulière. Si les initiatives de prévention et les stratégies qui les encadrent doivent être dépolitisés autant que possible, ils n’existent pas dans un vide politique et, dans la plupart des cas, sinon dans tous, ils abordent des questions qui sont au moins litigieuses, sinon intrinsèquement politiques. L’important est d’être conscient du contexte politique et stratégique au cours de leur élaboration et d’apprécier la manière dont l’implication des responsables politiques locaux ou d’autres responsables politiques est susceptible d’être accueillie différemment au sein de la communauté. Il va sans dire que si ces cadres s’inscrivent inévitablement dans un contexte politique, ils ne doivent pas être utilisés comme des outils pour attaquer ou affaiblir les opposants politiques.

De nombreuses villes s’inspirent non seulement de ce que font d’autres villes, mais aussi dapproches adoptées par les Nations unies ou d’autres organisations internationales.

Voici quelques exemples de cadres communs, qui sont souvent liés les uns aux autres :

Santé publique : un domaine interdisciplinaire qui implique les efforts organisés et les choix éclairés de la société, des organisations, tant publiques que privées, des communautés et des individus. Cette approche vise à s’attaquer aux causes de la haine, de l’extrémisme et de la polarisation en les traitant au niveau de la société, comme nous le ferions pour des pathologies dans un cadre médical. Pour en savoir plus sur la façon dont les modèles de santé publique peuvent être appliqués à la prévention de la haine et de l’extrémisme, consultez ce lien.

Prévention de la violence : spécifique, visant à cibler les manifestations de violence et à prévenir la délinquance par l’éducation, la médiation et d’autres moyens sociaux. Il existe de nombreux exemples de modèles de prévention de la violence adoptés dans le monde entier. L’un des plus connus est le modèle Cardiff, développé au Royaume-Uni en tant qu’approche de santé publique et appliqué depuis dans de nombreuses autres villes.  

Protection de la communauté et sécurité publique : protection du droit de vivre en sécurité, à l’abri des mauvais traitements et de la négligence. Il peut s’agir d’un large éventail d’approches différentes, y compris celles développées pour la protection des enfants et des adultes, ainsi que d’approches plus larges de tranquillité publique. Pour en savoir plus sur une approche globale, consultez le programme Safer  Cities de UN Habitat et le New Urban Agenda (Nouvel agenda urbain).

P/CVE : un cadre dédié qui s’attaque aux facteurs qui radicalisent les individus vers l’extrémisme violent et le terrorisme et renforce la résilience des communautés. Ces stratégies sont souvent liées ou chapeautées par des stratégies nationales de lutte sontre le terrorisme. Par example, le district de Brcko, en Bosnie-Herzégovine, a adopté un plan d’action dédié pour mettre en œuvre la stratégie nationale de prévention et lutte contre le terrorrisme. 

Ces approches ne s’excluent pas nécessairement l’une l’autre et peuvent être combinées. Quelle que soit l’approche adoptée par une ville, le cadre devrait mettre l’accent sur les principes suivants. Les principes suivants devraient être observés dans tous les cas :

 

  • « Do no harm » : principe issu des secteurs de l’humanitaire et du développement. Cette  notion indique qu’une intervention doit être attentive aux conséquences involontaires et toujours améliorer, jamais détériorer, une situation ou porter préjudice à des individus ou à des communautés.
  • Sensibilité au genre : prise de conscience et prise en compte de la dynamique du pouvoir entre les genres et des (in)égalités entre les genres, ainsi que des besoins, expériences et statuts différents des hommes, des femmes, des filles et des garçons, des minorités sexuelles et de genre, en fonction du contexte socioculturel, lors de l’élaboration d’une politique, d’une planification ou d’une action. (Définition provenant des sources de OSCE et de UN Women)
  • Droits fondamentaux : La prévention et l’intervention doivent protéger et promouvoir les droits fondamentaux inscrits dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il ne s’agit pas d’une simple déclaration, mais d’un élément à prendre en compte à chaque étape de la mise en œuvre et de l’engagement.
  • Approche englobante de la société : une prévention efficace requiert la participation  d’une diversité de parties prenantes  institutionnelles et non institutionnelles, y compris des agences gouvernementales et des services publics couvrant tous les secteurs et disciplines concernés, ainsi que la société civile, le secteur privé et les membres de la communauté. Elle ne doit pas non plus être limitée à une seule agence spécifique sans la coopération d’autres agences.

Considérations supplémentaires

Les points suivants s’appliquent tout au long de la planification et du développement stratégique de l’approche d’une ville en matière de prévention. Nombre d’entre eux, si ce n’est tous, seront pertinents pour les diagnostics initiaux ainsi que pour les étapes de mise en œuvre ultérieures. À leur tour, les étapes initiales du diagnostic (et en particulier les consultations des communautés et des parties prenantes) aideront les villes à gérer ces risques en fonction des besoins et des sensibilités spécifiques de leur communauté.

Éviter la sécuritarisation

Les villes doivent veiller à éviter le « piège » de la sécuritarisation qui est souvent associé à la lutte contre l’extrémisme et la haine, et plus encore aux politiques qui sont explicitement formulées à l’aide du concept de « P/CVE ». Ces concepts sont fréquemment associés à la lutte contre le terrorisme et donc souvent, à juste titre ou non, à la sécurité « dure ». En particulier au niveau local, une association trop étroite avec ces concepts souvent controversés, qui ont parfois été appliqués à tort contre des opposants politiques ou des communautés historiquement marginalisées, conduisant à des violations des droits fondamentaux, n’est pas de nature à susciter le soutien des parties d’une ville où les initiatives de prévention sont le plus probablement nécessaires. Dans l’ensemble, une telle approche risque d’accroître plutôt que d’atténuer les tensions sociales qui peuvent exister dans une ville.

Défis en matière de définition 

Quelle que soit l’approche choisie, il est essentiel que chaque ville parvienne à un consensus entre les différentes parties prenantes sur les définitions clés et les questions conceptuelles. Le terme « radicalisation » est un exemple de notion controversée, car il renvoie à des conceptions idéologiques, cognitives et/ou comportementales qui risquent de traiter l’individu dans un vide social et donc de ne s’intéresser qu’aux effets plutôt qu’à la causalité. Il peut également être contesté sur le plan politique, car visant à identifier les « radicaux » et donc inspirant la méfiance, la suspicion et la peur au sein des communautés, et ouvrant potentiellement le cadre à une utilisation politique erronée ou abusive.

Participation et instauration de la confiance

La consultation et la contribution des communautés, qui pourraient être considérées comme les « utilisateurs finaux » ou les « bénéficiaires » du cadre stratégique, devraient être recherchées tout au long de l’élaboration du cadre, notamment en ce qui concerne l’approche conceptuelle adoptée et la terminologie essentielle. Plus largement, la stratégie d’une ville sera probablement plus efficace et mieux soutenue si elle reflète véritablement les préoccupations, les valeurs et les priorités des communautés. Pour cette raison, et bien d’autres encore, l’instauration d’un climat de confiance entre les villes et les communautés locales, ainsi qu’avec des organismes clés tels que la police, qui peuvent ne pas relever de la compétence de la ville mais qui sont des partenaires indispensables, est un ingrédient essentiel à chaque étape de la planification et de la mise en œuvre de la stratégie.

Exploiter les approches existantes

Un autre défi pour les approches fortement axées sur la « radicalisation » et la lutte contre le terrorisme tient au fait que ces menaces sont souvent perçues comme « exceptionnelles » ou intrinsèquement spécifiques et requièrent donc une approche et une méthodologie distinctes. En fait, les villes tendent à obtenir de meilleurs résultats lorsque les stratégies de lutte contre ces problèmes s’inscrivent dans le cadre de mécanismes et d’approches plus larges et existants et qu’elles sont mieux placées pour adopter une approche intégrée et « mainstreaming » de la prévention. Cela encourage également les villes à éviter le travail en silo et à développer une meilleure collaboration entre les différentes parties prenantes. Cela ne signifie pas que les cas et les défis liés au terrorisme et à l’extrémisme ne nécessiteront pas d’interventions spécifiques, mais plutôt qu’ils devraient être envisagés et déployés de manière intégrée. Il s’agit d’un domaine clé dans lequel de nombreuses villes ont exprimé le besoin d’un soutien accru, notamment en matière de formation et de renforcement des capacités (voir Chapitre 3).


Institutionnaliser l’approche

Même si la prévention menée par la ville repose sur une coopération entre plusieurs parties prenantes, la première tâche consiste à identifier une entité, un bureau, une personne ou un groupe de personnes (par exemple, un groupe de travail ou une unité de coordination) chargé de superviser la mise en œuvre du cadre. Il est important de disposer d’un bureau ou d’une ou plusieurs personnes qui défendent la prévention (en tant qu’approche et philosophie) dans toute la ville. Lors de l’élaboration de ce Guide, les représentants des autorités locales ont indiqué que des personnes clés avaient joué un rôle particulièrement important dans le développement de la prévention dans leur ville, en influençant l’approche d’autres agences et en obtenant le soutien de leur maire ou de leurs dirigeants politiques locaux.

Comme pour une grande partie de la prévention, il n’existe pas d’approche unique sur la manière dont une ville devrait s’organiser pour s’emparer de ces questions. Vous trouverez ci-dessous quelques options et considérations pour chacune d’entre elles.

Agence/département individuel chef de file

+ Avantages : Permet d’établir une ligne de responsabilité et d’obligation de rendre des comptes claire et sans ambiguïté.

Inconvénients : D’autres agences peuvent se sentir moins impliquées et l’attribution de la responsabilité finale peut ne pas apparaître clairement.

Considerations :

  • Un autre élément à prendre en compte est la question de savoir si la ville désigne une agence ou un service existant comme chef de file ou si elle crée une nouvelle unité, soit sous la forme d’un bureau autonome, soit intégrée à une agence ou un service existant. Les contraintes en matière de ressources joueront également un rôle dans la détermination de la marche à suivre.
  • Le choix de l’agence ou du département responsable peut également indiquer une orientation politique particulière et les villes doivent être attentives à la manière dont ces choix seront perçus dans leurs communautés et affecteront la confiance et la coopération des groupes cibles potentiels en raison des préjugés perçus et/ou des expériences passées.

Responsabilité partagée entre différentes agences/départements

+ Avantages : Une plus grande appropriation collective et une attente claire que la prévention soitprise en compte et faire l’objet d’une contribution de la part de multiples agences reflétant les différentes fonctions et services fournis par une ville.

– Inconvénients : Risque de chevauchement des responsabilités, d’incohérences ou de concurrence entre les différentes agences. La multiplicité des agences n’est probablement pas un problème en soi, mais les villes consultées à ce sujet ont estimé que les difficultés survenaient lorsqu’il y avait des ruptures de communication et de coopération (y compris en ce qui concerne le partage d’informations), pour quelque raison que ce soit, entre les différentes agences.

Une autre option consiste à confier la responsabilité à un réseau à l’échelle de la ville qui rassemble les agences/départements concernés ainsi que les OSC et les principales parties prenantes de la communauté. Si le processus de diagnostic d’une ville a été complet dès le départ et a impliqué la participation de l’ensemble de la communauté ainsi que de différents départements et services, ce réseau peut déjà être en grande partie en place. L’option du réseau soulève également d’autres considérations :

Utiliser un réseau existant : de nombreuses villes ont déjà mis en place des réseaux thématiques, notamment lorsque la participation de la société civile est particulièrement nécessaire (par exemple, pour lutter contre la discrimination ethnique/ religieuse, les questions d’intégration ou l’égalité entre les hommes et les femmes). Une commission locale pour la paix, un comité pour l’ordre public ou un conseil de sécurité publique sont autant d’exemples fournis par les villes consultées pour ce Guide.

Créer un nouveau réseau : La formulation de la question sera cruciale et devra refléter pleinement les aspirations des partenaires extérieurs, y compris les parties prenantes de la communauté. En outre, ce type de réseau peut manquer de durabilité à long terme si le sujet est considéré comme trop spécifique ou trop étroit.

Former un groupe d’expert : En particulier sur les sujets complexes où l’expertise externe apporte une valeur ajoutée, une ville peut envisager d’inclure des personnes ayant une expertise technique, professionnelle ou académique spécifique aux côtés des services locaux et des parties prenantes de la communauté. Cela pourrait se faire en les incluant dans un réseau de prévention avec d’autres parties prenantes, ou en créant un groupe d’experts ou un comité consultatif distinct.

Pour en savoir plus sur les réseaux locaux de prévention et les autres modèles de coordination partenariale qui peuvent soutenir ou diriger les initiatives de prévention au niveau de la ville, voir le chapitre 4.

Quel que soit le modèle, le fait de confier la prévention à un réseau ne doit pas exonérer la ville (au niveau politique ou administratif) de toute responsabilité ou implication. Non seulement il est nécessaire de sensibiliser les différentes parties de l’administration locale aux priorités et aux approches en matière de prévention, mais la ville devrait également avoir une relation directe avec un réseau de prévention, ne serait-ce que pour organiser les réunions, coordonner les différentes agences ou adopter des recommandations. L’administration municipale au sens large devrait également soutenir un réseau de prévention en fournissant des infrastructures, des ressources humaines et des financements, et en identifiant les mécanismes existants qui pourraient être mis à profit pour participer à la prévention.

Durabilité

Il convient de garder à l’esprit quelques points concernant la durabilité institutionnelle :

Gérer les changements politiques L’obtention de résultats dans le cadre de l’approche préventive d’une ville nécessite des initiatives et des investissements à long terme, probablement plus longs qu’un seul mandat de maire ou de conseiller municipal. Pour protéger l’approche stratégique des changements politiques, qu’il s’agisse d’élections, de nouvelles nominations ou de changements dans les responsabilités ministérielles, il faut s’efforcer d’obtenir un consensus et l’adhésion des principaux membres du personnel administratif. Cela peut se faire en donnant la priorité aux responsables de départements ou d’agences qui (a) pourraient rester en poste malgré des changements au niveau politique ou exécutif et (b) sont bien placés pour intégrer la prévention dans les orientations, les approches et les mécanismes existants ou renouvelés pour la fourniture de services plus larges dans la ville. Si la présentation du cadre stratégique de la ville ne fait pas déjà partie des procédures de transition/transfert, alors il faudrait prévoir d’informer les nouveaux dirigeants politiques et administratifs.

Garantir une base juridique pour le cadre de la ville Cela permet non seulement de prémunir davantage l’approche d’une ville des changements politiques à court terme, mais aussi de donner au cadre une base juridique qui améliorera probablement son potentiel d’intégration dans les responsabilités légales plus larges d’une ville et soutiendra potentiellement les efforts visant à obtenir des ressources financières et autres, par exemple en exigeant qu’il soit inclus dans les budgets annuels. L’adoption d’une motion de l’assemblée délibérative ou la modification de la législation existante afin de prévoir un cadre de prévention est abordée plus haut dans ce chapitre en relation avec le renforcement du mandat d’une ville, mais il s’agit également d’un élément important de la stratégie de durabilité d’une ville.


Identifier les ressources

Il n’est pas rare qu’une stratégie de prévention bien conçue ne tienne pas ses promesses en raison d’un manque de ressources adéquates. Étant donné que les ressources seront toujours limitées et que les villes sont souvent soumises à des contraintes financières pour fournir les services publics existants, la question est souvent de savoir comment tirer parti des ressources existantes pour obtenir des résultats. Si d’autres ressources sont nécessaires, le défi est alors de savoir comment les mobiliser sans alourdir la charge financière.

Il existe plusieurs types de ressources, toutes nécessaires au succès des initiatives de prévention, des ressources humaines et financières aux ressources matérielles telles que les infrastructures et les installations, en passant par des ressources moins tangibles telles que des compétences particulières, la formation et l’expertise. 

Les aspects les plus fondamentaux des ressources ne doivent pas être négligés, car les conditions de travail en dépendent parfois. Tous les types de ressources ont en fin de compte des implications financières (par exemple, l’expertise nécessite une formation, qui à son tour nécessite un budget), mais l’impact peut être limité en répartissant la charge entre différentes agences. Étant donné que les villes disposent déjà de politiques et d’infrastructures, certaines ressources peuvent être mobilisées (du moins en partie) en s’intégrant à ce qui existe déjà. Les exemples suivants, tirés de différents contextes mondiaux, recensent les services municipaux qui peuvent être appelés à contribuer aux initiatives de prévention : 

  • Prévention de la délinquance / tranquillité publique
  • Démocratie locale / participation citoyenne
  • Planification et développement urbains
  • Jeunesse et éducation
  • Santé et action sociale
  • Sports
  • Culture 
  • Égalité des genres
  • Intégration/réinstallation des migrants
  • Dialogue interreligieux et interculturel
  • Bien-être
  • Logement

Cela signifie que la prévention de la haine, de l’extrémisme et de la polarisation n’aura pas nécessairement besoin d’une infrastructure, d’un bureau ou d’un budget de personnel propre (voir institutionnaliser l’approche, ci-dessus), mais qu’à un niveau essentiel, elle nécessite les mêmes types de ressources que celles auxquelles les autres départements ont accès.

Si de nouvelles ressources sont nécessaires, une ville peut envisager les options suivantes (séparément ou en combinaison) : 

  • Subventions, allocations, et autres mécanismes nationaux de financement du gouvernement central Les villes dont les gouvernements nationaux ont adopté une stratégie nationale de prévention pourraient ainsi bénéficier d’opportunités particulières. Plusieurs pays lancent régulièrement des appels à propositions pour des initiatives de prévention, mais il faut garder à l’esprit que le fait de faire dépendre toute uneinfrastructure de prévention de subventions, en particulier si elles sont exclusivementliées au gouvernement national et à ses priorités, peut poser des problèmes de viabilité à long terme.
  • Ligne dédiée dans le budget de la ville Cela crée une attente et un précédent pour uneallocation annuelle, mais c’est aussi une marque d’un engagement plus large et un élément important de l’institutionnalisation (voir Institutionnalisation de l’approche ci-dessus).
     
  • Donateurs internationaux De telles opportunités varient considérablement d’un pays à l’autre et d’une ville à l’autre. Les procédures de financement et de présentation des projets peuvent être inaccessibles aux petites villes qui ne disposent pas du personnel ou des compétences nécessaires pour formaliser leurs projets. Dans de nombreux cas, un partenaire qui ne soit pas un organisme public ou une agence gouvernementale devra être identifié pour la mise en œuvre. Il peut être important de s’assurer à la fois que les priorités des donateurs internationaux et celles de la communauté locale concordent, et que le fait de recevoir le soutien d’un donateur particulier n’affectera pas la perception qu’a la communauté des efforts de prévention d’une ville. Excepté pour Strong Cities, il existe peu d’exemples de financements disponibles pour des formations ou des renforcements des capacités sur l’extrémisme et la haine destinés spécifiquement aux collectivités locales. La plupart de ces aides sont destinées aux gouvernements centraux et/ ou aux organisations de la société civile.
     
  • Partenariats public-privé Certaines villes ont réussi à obtenir des ressources du secteur privé, qu’il s’agisse de propriétaires d’entreprises locales et de chambres de commerce, ou de multinationales présentes dans leur ville. Souvent conçues comme des partenariats public-privé, les ressources peuvent souvent consister en des compétences, de l’expertise et des installations, en plus des contributions financières. Cela est abordé plus en détails dans le Chapitre 4 Impliquer le secteur privé.

Londres, Royaume-Uni : En 2019, le maire de Londres et le MOPAC ont lancé le premier Shared Endeavour Fund, une initiative de financement de terrain destinée à soutenir les réponses hyperlocales aux crimes de haine, à l’extrémisme violent et aux menaces connexes à Londres. Pour augmenter l’aide disponible, le MOPAC a recherché un partenaire du secteur privé capable de fournir des fonds équivalents à ceux fournis par la municipalité. Après avoir contacté de nombreux partenaires

potentiels du secteur privé, le MOPAC s’est associé à Google.org, ce qui a donné lieu à un investissement conjoint de £800 000 qui a permis à plus de 30 organisations locales de toute la ville de renforcer la résilience de leurs communautés.

1 2 3 4 5 6

Le contenu de ce site a été traduit automatiquement à l’aide de WPML. Pour signaler des erreurs, envoyez-nous un email.