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Un Guide Pour Les Villes: Prévenir la Haine, L’extrémisme & Polarisation

Dernière mise à jour :
17/09/2023
Date de publication :
12/09/2023
Type de contenu :

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Chapitre 1Établir un Diagnostic

Un processus de diagnostic complet constitue le point de départ de la plupart, voire de la totalité, des initiatives de prévention menées par les villes. Ce chapitre présente une vue d’ensemble des éléments clés de la prévention, en montrant comment chaque aspect de la planification, de la stratégie, de la mise en œuvre et de la coordination dépend de cette première étape cruciale. Il présente ensuite un guide en 10 étapes pour le processus de diagnostic lui-même, couvrant la nécessité de comprendre les défis auxquels une ville est confrontée et les façons particulières dont ces défis affectent les différentes parties de la communauté, en soulignant que des modèles conçus dès le départ comme inclusifs et participatifs renforceront la coopération et la confiance. Ce chapitre couvre les aspects méthodologiques et les principes clés, la nécessité d’identifier les principales parties prenantes au sein de la ville et d’autres secteurs locaux, ainsi que les avantages d’identifier des mécanismes existants qui peuvent être mis à profit pour la prévention.

Prévention informée : un chemin pour les villes

La réalisation d’un diagnostic inclusif et participatif est le point de départ de tous les aspects de la planification, de la mise en œuvre et de la coordination. Bien que l’élaboration d’approches de prévention au- delà de ce stade ne soit pas un processus strictement linéaire, et qu’elle doive comporter des possibilités d’actualiser et de modifier une approche (par exemple à la lumière de changements institutionnels, de nouvelles menaces ou d’enseignements/résultats), il peut être utile de comprendre quels sont les éléments nécessaires pour alimenter les étapes suivantes d’un cheminement de base.

 

Comprendre les défis et ressources existantes

Cartographier les défis et identifier les menaces qui pèsent sur une ville ; identifier les principales parties prenantes et partenaires, au niveau institutionnel et communautaire ; adopter une approche consultative, participative et représentative ; et inclure la sensibilisation et les perspectives des groupes et minorités historiquement marginalisés.

Développer/renforcer le mandat local et la CNL

Aligner l’approche locale avec les cadres nationaux ; renforcer le mandat des collectivités locales en matière de prévention et les sensibiliser ; et identifier les mécanismes de coordination continue.

Réfléchir à l’approche/au cadre stratégique

Se mettre d’accord sur des principes clés et des priorités ; identifier la meilleure approche/le meilleur modèle global sur la base du diagnostic ; réfléchir à la façon de formaliser le cadre et l’intégrer dans les politiques existantes ou le relier à celles-ci ; et adopter une approche consultative et participative… à nouveau.

Identifier, développer et institutionnaliser le mécanisme de coordination locale

Adopter un modèle englobant toute la société, avec les principales parties prenantes identifiées dans le diagnostic ; s’appuyer sur les infrastructures et les mécanismes existants ; et renforcer la durabilité.

Étendre les partenariats et la coordination

Soutenir la participation des communautés et renforcer les partenariats avec les organisations de la société civile (OSC) ; instaurer la confiance entre les communautés, en particulier avec les groupes historiquement marginalisés et les autres groupes vulnérables, y compris les femmes, les jeunes et les minorités ; et renforcer le partager d’informations, le cas échéant et dans la mesure du possible.

Mettre en œuvre les interventions de prévention

Identifier les niveaux d’intervention et les groupes cibles/bénéficiaires ; identifier l’approche méthodologique, les rôles et responsabilités ; identifier les ressources ; et mettre en œuvre des interventions.

Mise en œuvre des activités de suivi, d’évaluation et d’apprentissage

Élaborer une théorie du changement et identifier des indicateurs et des méthodes de collecte de données ; trianguler les données ; analyser les données et évaluer l’impact ; et développer l’apprentissage institutionnel pour alimenter le cadre stratégique, les mécanismes de coordination et la mise en œuvre, et identifier les lacunes qui pourraient nécessiter un diagnostic et une planification plus approfondies pour être traitées.

Partager les connaissances

Adopter une approche transparente et partager les succès, les lacunes et les enseignements avec les communautés et tous les partenaires concernés ; Promouvoir les bonnes pratiques et soutenir les autres villes ; et Contribuer à une base de données probantes.

Guide en 10 étapes pour établir un diagnostic

Pour prendre des mesures, les villes doivent d’abord dresser la carte de leur paysage local. Il s’agit notamment de comprendre la nature des défis/menaces auxquels la ville est confrontée, ses besoins en matière de prévention, ainsi que les vulnérabilités et les facteurs de protection de ses communautés. Tout au long du processus, les villes devraient s’interroger sur les infrastructures, les approches ou les initiatives existantes et sur les ressources et l’expertise disponibles qui pourraient être mises à profit pour la prévention. Ce diagnostic, qui devrait être alimentée par la contribution et la participation des communautés locales, y compris des groupes historiquement marginalisés et minoritaires, devrait orienter les questions qu’une ville abordera et, en fait, toutes les actions qu’elle engagera par la suite.

Certaines villes élaborent et mettent déjà à jour des évaluations locales des risques complexes et multiformes, dont certaines bénéficient d’un soutien et d’une contribution importants de la part du gouvernement central et de la police.3 De même, de nombreuses villes abordent cette question pour la première fois ou travaillent sans aucune aide extérieure pour dresser un tableau complet de leur propre paysage. 

Les étapes ci-dessous représentent les recommandations clés et les bonnes pratiques relatives à l’élaboration d’un diagnostic qui ont été mises en évidence par les villes consultées pour ce Guide :

1. Déterminer qui contribue et développe des modèles participatifs, en veillant à ce que les communautés locales aient régulièrement l’occasion de participer. 

Recueillir les contributions des différentes agences/départements de la ville et de tous les autres services et acteurs communautaires concernés.

Distinguer les menaces en fonction des quartiers lorsque cela est possible et prendre en compte la diversité des communautés au sein de la ville, en comprenant comment les différents défis affectent de manière spécifique certaines parties de la communauté. Veiller à ce que les groupes et minorités historiquement marginalisés, pour lesquels la confiance et la compréhension peuvent déjà être faibles, mais dont les points de vue et les contributions peuvent être essentiels, soient impliquées.

Si la ville n’est pas responsable du maintien de l’ordre à quelque niveau que ce soit, peut-elle se coordonner avec la police de la juridiction concernée et demander une réunion d’information ? Le développement de canaux d’échange d’informations entre une ville et la police profitera à la mise en œuvre, et pas seulement à la planification. Demander des informations et des points de vue sur les principaux défis, étayés par des données non sensibles que la police est en mesure de partager, peut constituer une première étape précieuse.

 Le diagnostic devrait aller au-delà des informations et des données que la police peut partager. Vous trouverez ci-dessous un certain nombre de secteurs différents dans lesquels des données pertinentes peuvent potentiellement être exploitées.

Que peut faire la ville pour faciliter la participation du public, en gardant à l’esprit que les données qui alimentent le diagnostic ne doivent pas seulement refléter les problèmes/ mécanismes existants, mais aussi la manière dont ils sont perçus ? Ceci est essentiel pour une prévention efficace, basée sur la communauté, contre des questions souvent complexes, controversées ou sensibles de quelque manière que ce soit. 

Exercice d’Écoute Complet de Londres

Lorsque le bureau municipal de la police et du crime (MOPAC, Mayor’s Office for Policing and Crime) de Londres, au Royaume-Uni a développé son plan d’action local pour prévenir l’extrémisme violent, il a organisé un « exercice d’écoute complet » avec des milliers de membres de la communauté, de parties prenantes et d’experts dans toute la ville. L’exercice, défendu par le maire, visait à « entendre les voix de ceux qui, dans le passé, n’ont pas été entendus mais qu’il est le plus important d’écouter » et a donné la priorité aux contributions des « communautés minoritaires et marginalisées, des femmes et des jeunes ».

 Le MOPAC a travaillé en étroite collaboration avec des organisations locales et a organisé des réunions, des tables rondes et des ateliers avec les forces de l’ordre, les autorités locales, les groupes de la société civile, les organisations caritatives, les groupes de réflexion, les organismes de réglementation et les membres des différentes communautés. Ce diagnostic a donné lieu à une série de recommandations, qui ont été compilées dans un rapport public disponible sur le site Web du MOPAC.

Edmonton, Canada a mené de vastes consultations communautaires pour diagnostiquer les besoins et les préoccupations des personnes de couleurs, ce qui a débouché sur une stratégie antiracisme dédiée. La stratégie prévoit des possibilités de financement pour les projets menés par la société civile pour lutter contre le racisme et la haine systémiques, institutionnels et plus larges, ainsi qu’un bureau dédié au sein de l’administration municipale et un comité consultatif pour partager les perspectives et perceptions de la communauté avec le conseil municipal.   

2. Contextualiser le défi

La haine, l’extrémisme et la polarisation ne se développent pas dans le vide, et les griefs et (fausses) perceptions au niveau local alimentent souvent des récits et des influences idéologiques plus vastes et leur servent de porte d’entrée. Il ne suffit pas de désigner une menace ou un groupe « extérieur » spécifique qui constitue une menace pour une communauté, sans examiner pourquoi il gagne du terrain dans une ville particulière ou même dans un quartier spécifique, et quelles sont les questions locales qui jouent un rôle dans cette dynamique.

Il est également important de ne pas avoir de préjugés ou être trop fortement influencé par la manière dont le gouvernement central analyse les menaces, dans certains contextes, peut se concentrer de manière disproportionnée sur les influences extérieures et négliger les menaces « internes ».

Sans s’attendre à pouvoir établir un lien de causalité, il faut veiller à ce que les conditions sociétales plus larges soient prises en compte dans l’évaluation, dans le but de mieux comprendre l’interaction entre le problème/la menace particulier(e) que la ville veut traiter et l’environnement plus large qui pourrait avoir présenté des facteurs favorables à plus long terme.

Pour ces raisons, les villes ne devraient pas se contenter de prêter attention aux données « concrètes » telles que le nombre d’arrestations ou d’incidents, les infractions ou activités criminelles particulières et les tensions intercommunautaires et sociales évidentes. Elles doivent également examiner plus largement des facteurs tels que les données démographiques, les revenus, la pauvreté et les données relatives à l’emploi, ainsi que la disponibilité de l’éducation, de la formation, de la protection sociale, et de l’aide aux entreprises, de même que les services de logement, de santé, de sport et de culture.

Afin de s’assurer que ses activités de prévention sont fondées sur des données probantes et répondent aux facteurs réels, et non perçus, de la violence motivée par l’extrémisme, Kumanovo, Macédoine du Nord a effectué un diagnostic pour mieux comprendre les dynamiques locales de résilience en enquêtant auprès d’un échantillon impartial et représentatif d’habitants. Lors de ce diagnostic, la sensibilité et les attitudes à l’égard de l’extrémisme violent et de la prévention par les autorités locales ont été mesurées, ainsi que la résilience des communautés face à la radicalisation, sur la base de cinq piliers fondamentaux. Cette étude a non seulement permis d’identifier les vulnérabilités en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique et du quartier, mais elle a également offert à la ville une base de référence pour la résilience de la communauté, à partir de laquelle l’impact des mesures préventives dans la ville peut être évalué. 

3. Réfléchir aux influences en ligne 

Une ville peut ne pas avoir accès aux données relatives à la quantité/gravité de la haine, de l’incitation à la violence ou de la désinformation en ligne ciblant ou affectant d’une manière ou d’une autre sa communauté. Mais il est possible pour une ville d’acquérir une compréhension de base des types de contenus, des principales plateformes utilisées et des récits conspirationnistes qui sont diffusés.

Que ce soit en consultant directement les communautés ou en demandant conseil à des organisations de la société civile, à des chercheurs et/ou au secteur privé, il devrait être possible d’inclure une évaluation de base de la manière dont les activités en ligne influencent les défis hors ligne de la communauté.

4. Examiner les niveaux de confiance

Le développement de la confiance entre les villes et les communautés est un élément essentiel pour traiter efficacement ces questions. La confiance dans les institutions locales et l’administration de la ville aura une incidence significative sur le succès de la mise en œuvre du cadre par la ville. Les collectivités locales devraient envisager d’organiser des consultations publiques, des discussions de groupe ou des enquêtes de terrain afin de comprendre dans quelle mesure les communautés font confiance aux collectivités locales sur des questions particulières et pourquoi. Les villes devraient également solliciter l’avis de la communauté sur ce qui peut être fait pour renforcer la confiance.

Villes Numériques Sûres

Lancé sous l’égide de Nordic Safe Cities, Safe Digital Cities vise à fournir aux praticiens municipaux une meilleure compréhension de l’environnement des menaces en ligne ainsi que des outils pour renforcer leur travail numérique au niveau local. Malmö, Sweden, a utilisé cette initiative pour cartographier la haine en ligne pertinente pour la ville pour mieux comprendre l’ampleur et la portée du problème en utilisant des algorithmes de traitement de langage naturel. Les résultats ont montré que les conversations haineuses en ligne se reflètent dans les activités hors ligne et s’amplifient chaque fois qu’il y a des tensions ou un incident dans la ville. Les conclusions sont utilisées par l’autorité locale pour améliorer la coordination avec les forces de l’ordre et la société civile et pour alimenter son travail plus large de promotion de la sécurité. Aalborg, Denmark, a, de manière similaire, enquêtésur les conversations démocratiques en ligne, en s’attachant particulièrement à comprendre ce qui crée des communautés en ligne positives ou polarisées. La recherche alimente le travail de prévention de la ville, y compris le lancement d’un réseau numérique de bénévoles et d’une équipe de prévention numérique.

5. Travailler avec des données représentatives et impartiales

La ville devrait s’efforcer de collecter des données et des opinions offrant une véritable représentation d’une communauté particulière. À cette fin, elle devrait collaborer avec des experts en évaluation et en enquêtes pour s’assurer que les méthodes de collecte de données sont statistiquement représentatives d’une ville en particulier. De même, il est essentiel de s’interroger sur les biais potentiels des données ou sur la manière dont elles sont interprétées, inconsciemment ou non. S’il n’est pas possible d’éliminer ces biais, il convient de les reconnaître dans la manière dont elles sont présentées et dans le potentiel qu’elles ont d’influencer l’action d’une ville.

6. Exploiter les données existantes

Le premier réflexe de nombreuses villes est de penser que, puisque la résolution de ces problèmes n’est pas leur fonction première en tant qu’administration locale, il est nécessaire de collecter de nouvelles données. Il est risqué de supposer que la richesse des données (tant quantitatives que qualitatives) que les villes génèrent déjà ou auxquelles elles ont accès n’est pas pertinente.

Bien que ce soit souvent le cas, qu’il s’agisse de statistiques sur les taux de décrochage scolaire, de litiges en matière d’urbanisme, de problèmes de licences ou d’aide à l’emploi, les villes toujours ont la possibilité de recueillir les avis et les réactions des forums d’engagement communautaire existants et des réunions de conseils locaux, qui fourniront probablement des informations précieuses sur la manière dont la haine, l’extrémisme et la polarisation affectent la communauté. Toutes les formes de données ne seront pas pertinentes d’une ville à l’autre, mais il s’agit d’examiner ce dont la ville dispose déjà et comment une nouvelle interprétation de ces données pourrait permettre de relever ces défis.

7. Adopter une approche proactive et tenir le diagnostic à jour

Les collectivités locales devraient élaborer des diagnostics de manière proactive pour atténuer les inquiétudes dès qu’elles se manifestent, afin de réduire à la fois l’impact de ces inquiétudes sur les communautés et leur potentiel d’escalade vers la violence. Les villes ne peuvent pas s’attendre à réaliser un diagnostic à un moment donné et à continuer à travailler sur la base de ce même diagnostic année après année. En effet, les circonstances changeront, les risques et les vulnérabilités évolueront, de nouveaux défis apparaîtront et la ville sera différemment positionnée pour les relever. Par conséquent, si cela est possible, les villes devraient s’efforcer de revoir et de mettre à jour leur diagnostic sur une base annuelle.

8. Normaliser la méthodologie

Les villes devront identifier et définir l’approche méthodologique qu’elles adopteront pour leur diagnostic. Si la ville souhaite observer l’évolution de la situation par rapport à l’année précédente, en particulier si les menaces, les besoins et les vulnérabilités identifiés ont augmenté ou diminué, elle devra être cohérente dans les méthodes utilisées et répéter les mêmes exercices pour voir comment les données évoluent, si elles évoluent.

Si l’on s’en écarte de manière significative, l’évaluation n’est plus comparable, en termes de données, à l’évaluation précédente. Cela ne signifie pas que la méthodologie ne doive pas être périodiquement mise à jour pour améliorer la collecte, le filtrage et l’évaluation des données en fonction de l’évolution du profil de risque de chaque ville et de son contexte social plus large. Chaque fois que des changements sont apportés, ils doivent être intentionnels et intégrer les leçons tirées de la mise en œuvre précédente et de tout suivi, évaluation et apprentissage.

9. Identifier les mécanismes existants

Le diagnostic devrait identifier les infrastructures, les mécanismes et les initiatives existants qui pourraient être mis à profit pour faire face à une ou plusieurs des menaces identifiées.

Par exemple, si une ville identifie un défi spécifique autour des tensions ethniques les plus visibles entre les jeunes de certaines communautés, quelles sont les activités éducatives, sportives ou culturelles, les sociétés ou les forums informels déjà en place par lesquels la ville pourrait être en mesure de faciliter une meilleure compréhension et une meilleure coopération ? Il peut s’agir de mécanismes formels, tels qu’un comité local pour la paix ou une association d’aide sociale aux résidents, ou informels, tels qu’un événement sportif ou un réseau de parents, par exemple.

10. Définir les principales parties prenantes et les partenaires de mise en œuvre potentiels

Réfléchissez non seulement aux agences/départements municipaux ou autres services locaux compétents qui doivent être impliqués pour relever des défis particuliers, mais aussi aux principales parties prenantes de la communauté ou autres partenaires dont la coopération et le soutien seront bénéfiques.

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