Al-Karak, Jordanie

APERÇU GÉNÉRAL

La ville de Karak, qui compte l’une des plus grandes communautés chrétiennes du pays, est un exemple historique de cohabitation pacifique entre communautés chrétiennes et musulmanes. La dénonciation affirmée et la résistance ouvertement déclarée de la ville aux attentats terroristes survenus récemment sur son territoire témoignent de son unité. En décembre 2015, Daech a en effet pris en otage un pilote de l’armée de l’air jordanienne originaire de Karak, le lieutenant Muadh Al-Kassasbeh. Son exécution brutale avait secoué la ville toute entière. Un an plus tard, Karak a été la cible directe des militants de Daech, qui ont tué 10 Jordaniens et un touriste canadien.

A l’instar d’autres villes jordaniennes, Karak est aux prises avec des tensions tribales. Suite à la mort en 2013 d’un étudiant de l’université de Mu’tah, Osama Duheisat, dans le cadre de violences tribales, l’université a organisé, début 2018, sa première conférence consacrée à la PEV, en collaboration avec le Réseau de prévention communautaire (RPC) SCN de Karake.

Menée par le réseau Strong Cities, la création du RPC de Karak est un exemple d’initiative communautaire qui répond aux problèmes rencontrés par la ville à travers la prévention de l’extrémisme violent (PEV). Le RPC de Karak se focalise notamment sur la jeunesse locale et est soutenu dans sa démarche par le plus jeune maire élu de Jordanie, Ibrahim Al-Karaki.

 

LE CONTEXTE NATIONAL

Dans une région qui connait un conflit et des remous politiques continus depuis un long moment, la Jordanie a constitué à plusieurs reprises un asile sûr pour les réfugiés des pays voisins, comme la Palestine, l’Irak et la Syrie.  La Jordanie abrite la plus grande diaspora palestinienne et les communautés de réfugiés les plus importantes du Moyen-Orient, avec plus de  deux millions de réfugiés inscrits à UNRWA (l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient).  Suite à l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis en 2003, les Irakiens fuyant le conflit se sont installés en Jordanie, notamment dans sa capitale, Amman. En 2012, le camp de réfugiés de Zaatari a vu le jour et est devenu, entre-temps, le plus grand camp de réfugiés syriens du monde.

Le conflit dans les pays environnants a exacerbé le risque de terrorisme dans les villes jordaniennes. En novembre 2005, la filiale irakienne d’Al-Qaïda a organisé une attaque ciblant trois hôtels à Amman dans une série d’attentats-suicide coordonnés qui ont coûté la vie à plus de 55 personnes.[1] Plus récemment, Daech a pris en otage et exécuté un pilote de l’armée de l’air royale jordanienne, le lieutenant Muadh Al-Kassasbeh, le brûlant vif, enfermé dans une cage.[2] L’incident a provoqué une onde de choc qui a secoué la Jordanie et le monde entier et incité la Royal Jordanian Air Force à lancer une contre-offensive, l’« Opération martyre Muath », contre Daech. [3] Fin 2016, Daech a également attaqué Karak, ville membre du réseau Strong Cities.[4] L’attentat a coûté la vie à plus d’une dizaine de personnes.[5]

Récemment aussi, la Jordanie a assisté à une série d’actes de violence survenus dans les campus universitaires, souvent liés à des tensions tribales. En 2013, un de ces incidents a causé le décès d’un étudiant âgé de 21 ans à l’université de Mu’tah, à Karak.

En janvier 2016, Ban-Ki Moon, l’ancien Secrétaire général des Nations unies, a annoncé le lancement du Plan d’action de prévention de l’extrémisme violent des Nations unies qui incite tous les pays du monde à mettre en place un Plan d’action national (PAN) en la matière. La Jordanie met actuellement au point son Plan d’action national de PEV, sous la houlette de la Présidence du Conseil des ministres.

 

 

LE CONTEXTE LOCAL

En 2016, le réseau Strong Cities a lancé 6 réseaux de prévention communautaire (RPC) au Liban et en Jordanie. Les RPC, qui travaillent au niveau municipal, s’efforcent de créer des liens et de favoriser la communication entre la municipalité et les OSC (organisations de la société civile) locales, les ONG sur place et d’autres intervenants qui s’intéressent à la PEV : enseignants, travailleurs sociaux et responsables religieux. Le modèle de RPC du SCN est taillé sur mesure pour épouser les besoins de chaque ville et vise à gérer les problèmes que les membres du réseau considèrent comme prioritaires pour soutenir les efforts de PEV locaux. Les intervenants locaux connaissent mieux que quiconque leur contexte local et sont les plus à même d’affronter ses défis.

A Karak, le RPC a choisi de se focaliser sur la sensibilisation de la communauté locale et de cibler les jeunes particulièrement. Le RPC est composé de 18 membres d’horizons professionnels divers, incluant des organisateurs de la société civile, des enseignants et des figures religieuses, telles que le Père Boulos Albaqaain, prêtre de l’Eglise catholique locale de Karak.

La Ville de Karak est dirigée par le plus jeune maire de Jordanie, Ibrahim Al-Karaki. Le Maire Al-Karaki a été l’un des trois maires jordaniens et libanais qui ont assisté au Sommet mondial SCN 2018 du SCN  tenu à Melbourne, en Australie. Le Maire y a présenté les initiatives du RPC de Karak dans le cadre du Forum de Leadership des Maires, insistant sur l’importance de créer des opportunités pour les jeunes et de les impliquer politiquement.

Le RPC est soutenu par la Municipalité du Grand al-Karak, qui s’implique activement dans les événements organisés par le RPC. L’interface du RPC est assurée par le point de contact local, Saleh Obisat.

 

INITIATIVES PRINCIPALES

Karak a lancé officiellement son RPC en octobre 2017. Le RPC de Karak est particulièrement actif, mettant en œuvre et participant à un large éventail d’événements et d’activités. En avril 2018, le RPC de Karak a organisé, avec l’université de Mu’tah, sa première conférence de PEV à l’échelle nationale, intitulée « La stratégie nationale à l’encontre de l’extrémisme et du terrorisme mondial ». Sur trois journées, des personnalités académiques, politiques, des dirigeants communautaires locaux et des experts ont discuté de PEV et présenté des études y afférant. Cette conférence est une bonne illustration de la manière dont un RPC du SCN constitue la charnière entre la stratégie locale et celle nationale. L’événement s’est déroulé avec l’appui et en présence de SAS le Prince Hamzeh Bin El Hussein.

Souhaitant saluer et encourager la créativité, le RPC de Karak a également organisé sa première cérémonie de Prix de la créativité en matière de PEV (le PVE Creativity Award). Ce prix récompense les approches créatives permettant d’aborder la PEV à travers la poésie, l’art, les films, ou autre. Capitalisant sur cette démarche de sensibilisation de la communauté, le RPC de Karak a ainsi organisé un festival de PEV visant à impliquer la jeunesse à travers le théâtre interactif, à fait installer des stands de livres et consacré une galerie à l’exposition d’œuvres d’artistes locaux.

Actif sur le terrain, le RPC de Karak a également organisé des séances de dialogue et de sensibilisation à la PEV dans les écoles. Les séances de dialogue intercommunautaire créent un espace sûr et inclusif qui permet d’aborder les initiatives de PEV selon une approche intersectionnelle.  Ce faisant, le RPC a collaboré avec le Peace Community Centre de Karak pour animer une série de séances de sensibilisation à la PEV dans les écoles.

 

[1]https://www.nytimes.com/2005/11/10/world/middleeast/3-hotels-bombed-in-jordan-at-least-57-die.html

https://www.bbc.com/news/av/world-middle-east-34745196/surviving-the-2005-suicide-bombings-on-jordan-hotels

[2] https://www.bbc.com/news/world-middle-east-31121160

[3]http://www.jordantimes.com/news/local/armed-forces-launches-operation-martyr-muath%E2%80%99

[4]https://www.nytimes.com/2016/12/20/world/middleeast/jordan-attack-isis-karak.html

[5] Ibid


LEADERSHIP POLITIQUE LOCAL

prénom: Ibrahim Al-Karaki

Rôle: Maire d'Al-Karak

Ibrahim Al-Karaki Image reproduite avec l'aimable autorisation de la municipalité du Grand Al Karak